Se transformer en entreprise agile – Entretien avec Chloé Beauvallet (AFRC)
La transformation digitale est aujourd’hui au cœur des enjeux de toutes les entreprises, et bouleverse tous les secteurs d’activité. Cette année devrait donc marquer, pour beaucoup d’acteurs, un point d’inflexion. Lors de l'événement Digitagile, coorganisé par DXC et Les Echos, nos intervenants ont exposé les nouveaux enjeux auxquels ils étaient confrontés mais aussi leurs recettes pour réussir la transformation digitale et rendre leur entreprise agile.
Entretien avec Chloé Beauvallet, Membre du Conseil d’Administration de l’Association Française de la Relation Client (AFRC).
L’Association Française de la Relation Client (AFRC) est la communauté de professionnels qui travaille sur la transformation de l’entreprise par le biais de l’expérience client. Laboratoire de réflexion mais également espace d’expérimentations pratiques, l’AFRC mène des travaux au carrefour de toutes les fonctions : stratégie, innovation, marketing, relation et expérience client, digital. Forte de la confiance de 300 entreprises et 3500 membres depuis 20 ans, l’association organise une cinquantaine d’événements chaque année et publie de nombreuses études ou livre blanc sur le sujet. Chloë Beauvallet est membre du conseil d’administration de l’AFRC.
En quoi l’agilité est-elle indispensable pour répondre aux attentes des clients d’aujourd’hui ?
« L’agilité, c’est la dualité entre la clarté de l’intention et l’autonomie dans l’exécution. »
Le client est tel le spectateur d’un numéro de cirque ou d’une représentation théâtrale : il est face à l’entreprise et a d’elle une expérience unifiée. Cette expérience est nécessairement une co-construction entre, d’une part, les différents acteurs de l’organisation et, d’autre part, le client, dont le regard unifie/rassemble tout ce qui a été réalisé pour le servir. Ainsi, de même qu’un spectacle n’existe que dans l’œil du spectateur, ce qu’offre l’entreprise à ses clients lui échappe. C’est la subjectivité du client qui en fait quelque chose de réel et d’unique.
Si cette expérience lui apparaît cacophonique, c’est que l’on n’aura pas su faire en sorte que son regard l’emporte sur les complexités de l’exécution. Dans cette perspective, l’agilité peut se définir comme la nécessaire solidarité du collectif au service de l’unicité de l’expérience client. Puisque celui-ci donnera forcément une cohérence à tout ce qu’il verra, chacun doit œuvrer pour que cette cohérence perçue corresponde bien à l’intention de l’entreprise.
Cette intention originelle, n’est-ce pas la clé de la démarche agile ?
Absolument. L’agilité n’est qu’un moyen de mettre l’expression individuelle et collective au service d’un propos. Le définir est le point de départ incontournable et fondamental. Qu’on l’appelle promesse de marque ou promesse relationnelle, par exemple, ce qui compte c’est d’avoir une intention limpide, qui puisse s’exprimer en peu de mots de manière à être intelligible par tous, et qui donne le la de la partition collective.
S’approprier cette intention permettra à chacun de façonner son rôle, de se positionner par rapport aux autres, de s’adapter au contexte, mais aussi de réévaluer en permanence les méthodes et les moyens nécessaires pour atteindre l’objectif.
En d’autres termes, si l’on veut donner de la flexibilité à la trajectoire, il faut d’abord clairement fixer la cible. L’agilité, c’est cette dualité entre la clarté de l’intention orientée client et front lines, et l’autonomie, le lâcher-prise, le décloisonnement, dans l’exécution et son amélioration permanente.
Être plus autonome, c’est aussi risquer de se tromper. Le droit à l’erreur constitue-t-il un changement culturel important ?
Culturellement, de nombreux secteurs et la culture française en général sont averses au risque. Nous avons donc à réaliser un important travail d’acculturation pour accepter le droit à l’erreur inhérent à l’agilité. D’une certaine façon, cela revient à recouvrer une part d’humanité. On est toujours tenté de rechercher la perfection mais on constate que les clients acceptent très bien que l’on puisse se tromper. À condition que l’on reconnaisse son erreur, que l’on soit transparent, que l’on dédommage et que l’on répare quand on le peut.
En faisant cela, nous nous mettons au niveau du client, de sa perception et de ses propres incertitudes. Dans l’agilité, il y a la reconnaissance mutuelle de l’humanité d’autrui, donc de ses défauts, mais aussi l’engagement que l’on va s’entraider pour y arriver ensemble.
Le digital est-il le terrain d’expression privilégié de cette agilité ?
Le digital invite à se repenser… Pour reprendre l’analogie avec le cirque, c’est une discipline qui s’est entièrement réinventée ces dernières années en intégrant d’autres talents, d’autres arts, en tenant compte également de nouvelles contraintes, de nouvelles attentes du public… C’est une remise en cause qui s’apparente à ce que nous vivons aujourd’hui avec le digital, les obligations réglementaires, l’évolution des exigences des consommateurs...
Dans les deux cas, on ne peut y arriver qu’en travaillant en écosystème, en abandonnant les prérogatives individuelles au bénéfice de la production collective, en faisant disparaître l’exploit sportif ou technique derrière la qualité de l’expérience et, en définitive, en parvenant à lâcher suffisamment prise pour reconnaître que c’est le regard du client qui donne sa valeur à la performance.