Se transformer en entreprise agile – Entretien avec Valérie Berthereaux (Eurexo)
La transformation digitale est aujourd’hui au cœur des enjeux de toutes les entreprises, et bouleverse tous les secteurs d’activité. Cette année devrait donc marquer, pour beaucoup d’acteurs, un point d’inflexion. Lors de l'événement Digitagile, coorganisé par DXC et Les Echos, nos intervenants ont exposé les nouveaux enjeux auxquels ils étaient confrontés mais aussi leurs recettes pour réussir la transformation digitale et rendre leur entreprise agile.
Entretien avec Valérie Berthereaux, directrice générale d'Eurexo.
Filiale du Groupe Prunay, Eurexo est une société d'expertise auprès des assurances. En cas de sinistre (dégâts des eaux, incendies, catastrophes naturelles…), assureurs et mutuelles font appel à ses services pour accompagner leurs assurés et déterminer, en toute indépendance et impartialité, les causes du sinistre et le montant réel des dommages consécutifs. Fort de 600 collaborateurs, Eurexo s’appuie sur un réseau de 50 agences en France et trois plateformes d’expertise à distance. Eurexo réalise chaque année plus de 180 000 expertises pour un chiffre d’affaires de 65 millions d’euros. Valérie Berthereaux en est la directrice générale depuis octobre 2016.
Dans quelles circonstances avez-vous été amenée à adopter les méthodes agiles ?
« L’agile, l’approche idéale pour obtenir des résultats rapidement et enclencher une dynamique positive. »
Lorsque je suis arrivée à la tête de l’entreprise, il y a deux ans, celle-ci était dans une situation délicate : non seulement elle sortait d’une restructuration douloureuse, mais le nouveau système d’information, qui devait apporter d’importants gains de productivité, s’est révélé une grosse désillusion. Ses performances étaient très en deçà des attentes, à la grande insatisfaction des assurés, des assureurs et des collaborateurs.
Après avoir défini un plan de sécurisation du système d’information, nous avons convenu que notre direction informatique n’était pas armée pour un chantier d’une telle urgence et d’une telle ampleur. Nous nous sommes donc fait accompagner pour mettre en œuvre notre stratégie, qui visait à obtenir des victoires rapides pour parer au plus pressé et convaincre les utilisateurs que la situation était désormais bien en main.
L’agile nous est apparu comme l’approche idéale pour obtenir des résultats rapidement, associer tout le monde au redressement et enclencher une dynamique positive malgré les difficultés. En recentrant les maîtrises d’œuvre et d’ouvrage, en restreignant les périmètres et en contraignant quelque peu les utilisateurs, nous avons pu obtenir en neuf mois trois victoires déterminantes, aussi précieuses d’un point de vue opérationnel que symboliques.
Comment avez-vous mis cette dynamique au service de votre transformation digitale ?
Une fois la tête hors de l’eau, et forts d’une méthode qui, en définitive, nous convenait bien, nous avons commencé à nous réorienter vers des sujets plus innovants afin de répondre aux deux grands enjeux de nos clients assureurs, à savoir répondre le plus vite possible à leurs clients et, si possible, se passer de nous !
Il nous fallait donc créer des solutions qui, d’une part, accélèreraient le traitement des dossiers de sinistre et, d’autre part, nous rendraient indispensables aux yeux des assureurs. C’est ce que nous avons fait avec OuiScan, une application qui traite les dossiers sécheresse. Pour les assureurs, c’est un enjeu important car, en cas de sécheresse, les demandes affluent par milliers et, comme il y a peu d’experts en la matière, le délai d’indemnisation est en général de 6 à 9 mois.
Grâce à l’agile, et en nous appuyant sur une start-up, deux mois ont suffi à développer une application qui permet à un expert d’analyser le dossier à distance, ce qui évite, dans 30 % des cas, d’avoir à dépêcher quelqu’un sur le terrain. Pour l’assureur, cela signifie un raccourcissement des délais et une réduction des coûts d’expertise.
À l’image de cet exemple, quelle place occupent les start-up dans votre processus d’innovation ?
Depuis une dizaine d’années, on fait beaucoup de digital mais, en définitive, de façon assez superficielle. Ainsi, dans l’assurance, on a développé toutes sortes d’applications, certes très utiles mais qui remettent assez peu en cause le fonctionnement et le modèle de l’activité. Aujourd’hui, les nouvelles technologies émergentes, comme l’intelligence artificielle ou le machine learning, vont enfin permettre d’engager cette refonte des processus.
Pour Eurexo, la difficulté est que nous ne sommes pas un grand nom de la high-tech et que nous n’attirons pas suffisamment les profils qui maîtrisent ces technologies clés. Ces nouvelles compétences, ce sont dans les start-up que nous pouvons les trouver. Mais dans cet écosystème foisonnant, où l’on est sollicité de toutes parts, il est très difficile de s’orienter. Lorsqu’on envisage de collaborer avec une start-up, on se pose beaucoup de questions : est-ce le meilleur choix ? nous emmène-t-elle vers les bonnes technologies ? pourra-t-on maintenir et faire évoluer la solution une fois qu’elle ne sera plus là ? Pour une PME telle que la nôtre, il y a un réel besoin à être accompagné et guidé pour sélectionner le partenaire adéquat.