Se transformer en entreprise agile – Entretien avec Frédéric Charles (Suez Smart Solutions)
La transformation digitale est aujourd’hui au cœur des enjeux de toutes les entreprises, et bouleverse tous les secteurs d’activité. Cette année devrait donc marquer, pour beaucoup d’acteurs, un point d’inflexion. Lors de l'événement Digitagile, coorganisé par DXC et Les Echos, nos intervenants ont exposé les nouveaux enjeux auxquels ils étaient confrontés mais aussi leurs recettes pour réussir la transformation digitale et rendre leur entreprise agile.
Entretien avec Frédéric Charles, directeur de la stratégie digitale et de l’innovation de Suez Smart Solutions.
SUEZ soutient le développement des villes dans le monde à travers ses métiers historiques de la gestion de l’eau et des déchets. Filiale du Groupe, SUEZ Smart Solutions accompagne la transformation environnementale et digitale des territoires. Pour cela, SUEZ Smart Solutions édite et opère des services numériques intelligents intégrant la collecte de données (compteurs communicants, capteurs, sondes) et les applications qui les exploitent. Après avoir exercé diverses responsabilités dans les systèmes d'information, Frédéric Charles en est actuellement le Directeur de la Stratégie digitale et de l’Innovation.
Dans quelle mesure l’agilité fait-elle partie de l’ADN de Suez Smart Solutions ?
« La transversalité, c’est la nécessaire intégration de la scène et des coulisses au service du client. »
Suez Smart Solutions est une entité du groupe Suez qui compte aujourd’hui 200 personnes dans le monde. Elle a été créée il y a dix ans pour développer un nouveau modèle économique autour des services numériques. Au départ, nous avons commencé par créer des systèmes de supervision pour les usines du groupe en appliquant pour cela un principe bien connu du monde agile, « You Build It, You Run It ». Autrement dit, en cas d’alerte, ce n’était pas seulement le technicien de garde qui était réveillé, mais aussi le développeur du système de contrôle. Inutile de dire qu’il en résulte une appropriation très forte des enjeux métiers !
À l’image de cet exemple, les principes agiles ont eu dès l’origine un impact déterminant sur la façon dont chacun envisageait son rôle et la collaboration au sein de l’organisation, et c’est pourquoi l’agilité fait vraiment partie de notre culture et de notre identité. Si Suez Smart Solutions connaît aujourd’hui une croissance de 10 % par an, supérieure à celle du groupe, c’est aussi parce que l’on a permis à l’entité de trouver par elle-même la meilleure voie pour son développement.
Beaucoup d’entreprises industrielles cherchent aujourd’hui à développer une offre de services autour de leurs produits. En quoi l’agilité peut-elle permettre cette évolution du modèle ?
Trois ans après la supervision, nous nous sommes attaqués à un autre sujet, celui de la télérelève des compteurs. Et nous avons fait le choix d’en développer nous-mêmes toutes les briques, à savoir la collecte, la transmission et le traitement des données. Or, quand on maîtrise une solution de bout en bout, on s’aperçoit qu’on peut la commercialiser « as a service ». On déploie l’infrastructure, on met en place les ressources et les processus nécessaires pour garantir un niveau de services donné et les clients, en l’occurrence les collectivités, paient à l’usage.
Mais dans un service, ce qui fait la différence, c’est la proximité, la compréhension du client, et cela passe forcément par une dose de personnalisation. C’est là que l’agilité se révèle essentielle car elle permet de co-construire cette personnalisation. Dans notre cas, nous nouons, par exemple, avec les collectivités des partenariats d’innovation qui permettent de concevoir ensemble les services très en amont. Et pour que ce nouveau dialogue soit le plus fructueux possible, nous sommes même amenés à inculquer l’agile à nos clients. Désormais, il arrive que nos interlocuteurs soient des Product Owners que nous avons-nous-mêmes formés.
Quel lien faites-vous entre agilité et digital ?
Le digital exige de repenser les modes de fonctionnement. Au théâtre, la réussite de la représentation pour le spectateur vient de la complémentarité entre ce qui se passe sur scène et l’action des machinistes en coulisse, les répétitions permettant d’atteindre une qualité parfaite. C’est la même chose pour le client à l’ère digitale, avec le front-office, le back-office et le lean management qui permet l’amélioration continue de la performance.
Quand on distribue de l’eau, ce que l’on vend par-dessus tout, c’est de la confiance. Pour le client, cette confiance résulte du déploiement approprié et coordonné de ressources humaines et techniques. Les capteurs n’ont de sens qu’en connexion avec les actions humaines qu’ils déclenchent, et réciproquement. La transversalité, c’est cette nécessaire intégration de la scène et des coulisses au service du client. Le digital l’oblige et l’agilité l’outille.