La vraie révolution du stockage de l’énergie
Deux annonces viennent de bouleverser le monde, déjà en pleine ébullition, de l’électricité. Alors même que le prix des batteries s’est déjà effondré au cours des sept dernières années, le directeur technique de TESLA estime qu’il disposera de batterie lithium-ion à moins de 100 $/KWh d’ici 2020, ce qui représente une baisse cumulée de 90 % en moins de dix ans. Coup sur coup, la ville de Los Angeles vient d’annoncer l’attribution d’un contrat pour l’acquisition de la production d’une centrale à base de panneaux photovoltaïques avec stockage diurne partiel. Le prix d’achat garanti est de 40 $/MWh, un prix inférieur aux coûts complets des moyens de production charbon, gaz et même nucléaire actuellement en fonctionnement.
Par François Dauphin, expert international Energie et utilities, DXC Technology, Benoît Lemaignan, Senior Manager, InnoEnergy et Gilles Moreau, directeur technique, Lancey Energy Storage
L’exemple californien ne pourra être systématisé, notamment car il intègre des subventions à l’investissement de l’ordre de 30 %. Néanmoins, la baisse du prix des de batteries permet d’envisager, sur la base de 3000 cycles de charge, de pouvoir stocker un MWh à un prix de moins de 80 euros ce qui va engendrer un nombre considérable de nouveaux modèles d’affaires dans la décennie à venir.
L’un d’entre eux concerne les services systèmes des réseaux électriques. Ces services permettent, entre autres, de garantir que la fréquence est stable ou de disposer des moyens de substitution en cas d’arrêt en urgence d’une centrale de forte puissance. Ils doivent, par essence, être ultra-fiables et rapidement mobilisables : deux caractéristiques auxquelles les batteries répondent parfaitement. Comme ces moyens de production, très spécifiques, ne fonctionnent pas toujours, ils sont rémunérés principalement en fonction de leur puissance d’injection plutôt que de l’énergie effectivement injectée.
A titre d’exemple, le réseau de transport d’électricité français rémunère la réserve dite rapide à plus de 30.000€ par MW et la réserve dite de capacité à plus de 20.000€ par MW. Ces services lui coûtent plus de 500 millions d’euros chaque année. Moyennant quelques changements réglementaires et notamment la baisse de la puissance minimum requise pour offrir ses services, le RTE pourrait réaliser près de 200 millions d’économies, soit l’équivalent de 30 % de son dernier résultat net annuel. Au niveau européen, plus d’un milliard pourra être économisé chaque année par les gestionnaires de réseau de transport d’électricité.
Le deuxième concerne les zones qui restent desservies par des générateurs diesel ou situées dans des zones non interconnectées (comme les Antilles françaises). Le coût de production de ces unités frôle les 300€/MWh voire plus ! Ces générateurs pourraient avantageusement être remplacés par des systèmes jumelant les technologies photovoltaïques avec stockage. A la clé, pour ce qui concerne la France, plus d’un milliard d’économie.
La troisième concerne l’optimisation des réseaux de distribution. Positionnées de manière stratégique, les batteries permettraient de réduire les besoins de renforcement des réseaux en lissant la charge appelée sur ceux-ci. A la clé, plusieurs milliards d’euros d’économies sur le plan européen pour autant que les régulateurs acceptent, comme en Italie, que les distributeurs puissent faire des appels d’offres pour acquérir des systèmes ou services de stockage en ligne.
In fine, la différence entre le prix en heures pleines et en heures creuses est parfois considérable dans certains pays. Au Japon, le prix de l’électricité est de 200 euros le jour mais de 100 euros seulement la nuit. La mise en place de moyens répartis de stockage y est déjà rentable. Le même phénomène est observable à Singapour, sans parler de l’Allemagne où les opérateurs de stockage seront rémunérés pour charger leurs batteries plus de 150 heures par an car les prix y sont négatifs.
Bien que le marché de l’automobile soit le facteur principal de l’effondrement du prix des batteries, ce dernier va engendrer l’émergence de nombreux nouveaux modèles d’affaires. In fine, l’équilibrage du réseau électrique sera essentiellement basé sur le lissage réparti de la consommation et la technologie Vehicule-To-Grid qui faciliteront la gestion et réduiront le coût des réseaux électriques.